Nos valeurs

Le Collège Sévigné :
une association à but non lucratif, engagée dans l'histoire de l'enseignement républicain et laïque.

Le véritable esprit de Sévigné, c’est son sens de la modernité

Alain Attali, Inspecteur général honoraire, un adieu de la Mission laïque  française - Mission laïque française

Entretien avec M. Attali, Inspecteur Général Honoraire de Lettres Classiques. Monsieur Alain Attali, qui a présidé l'Association du Collège Sevigné puis en a été président d'honneur, nous a quittés en avril 2019. Son engagement au service de la réussite des élèves nous inspire toujours.

Au cours de cet entretien (Novembre 2015), Alain Attali évoque l’esprit qui a présidé à la fondation du Collège Sévigné, son engagement dans un enseignement laïque, la modernité pédagogique de l’établissement, son ouverture sur le monde et l’international. Il revient aussi sur la place privilégiée (mais non pas exclusive) des études littéraires dans les enseignements qui y ont été dispensés et, plus généralement, sur le sens du métier d’enseignant aujourd’hui, sur l’engagement que cela suppose, et sur le sens de la transmission des Humanités dans un monde devenu complexe, multipolaire, changeant.

Le défi relevé par les fondateurs

Le Collège Sévigné est né presque en même temps que la IIIe République. Il hérite en effet d'une expérimentation antérieure, l'école normale libre de Neuilly, fondée en 1872, installée depuis 1880 à Sèvres, avec un internat. L'externat parisien, qui prend le nom de "Collège Sévigné" et englobe dès lors l'établissement de Sèvres, ouvre ses portes le 3 novembre 1880 sous la direction de Marie-Joséphine de Marchef-Girard, qui avait participé à la fondation de l'Ecole normale de Neuilly dès 1872 et écrit, avec une préface de Lamartine, Les femmes, leur passé, leur présent, leur avenir (au 10 rue de Condé à Paris. Ses fondateurs, les membres de la société pour la propagation de l'instruction parmi les femmes, à l'origine, déjà, de l'Ecole normale de Neuilly, ont voulu que les jeunes filles aient accès à un enseignement de haut niveau, équivalent à celui des garçons, et laïque, dans une période de profonde restructuration de l'enseignement scolaire et universitaire, sous l'influence indéniable de républicains convaincus et militants. La loi Camille Sée sur l'enseignement secondaire des jeunes filles fut promulguée deux mois après l'ouverture de Sévigné (avec un décret d'application paru en 1882), tandis que l'École normale supérieure d'institutrices ouvrait ses portes en 1880, presque en même temps que Sévigné, à Fontenay-aux-Roses.

Les membres fondateurs du Collège s'étaient réunis en une "Société pour la propagation de l'instruction parmi les femmes". Parmi eux figurait Michel Bréal, ancien élève de l'ENS, linguiste, inventeur de la "sémantique", enseignant et chercheur actif dans les cercles préparant la réforme de l'enseignement scolaire et universitaire des années 1880 ; il fut aussi à l'origine de la fondation de l'Ecole alsacienne à Paris, destinée aux garçons. Parmi les autres membres fondateurs, figuraient également Louis Petit de Julleville, maître de conférences à l'ENS, Frédéric Passy, qui devient Prix Nobel en 1901 et Paul Bert, qui fut l'année suivante ministre de l'instruction publique et des cultes, militant laïque.

C’est ainsi que Sévigné fut l'un des premiers établissements secondaires laïques pour les jeunes filles créés en France. Et il a, le premier, tenté d’unifier les programmes des jeunes filles et des jeunes garçons.  L'actuel lycée Clémenceau, à Montpellier, fut le tout premier lycée de jeune filles public en France (1881). A Paris, le lycée Fénelon ouvrit ses portes en 1883.

Très tôt dans l'histoire du Collège, on y prépare aux concours d'entrée des plus prestigieuses écoles :

  • en 1885, grâce aux cours du soir, débute la préparation au nouveau certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire et au concours d'entrée à l'École Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses. On ouvre également la préparation à l'entrée de la toute nouvelle École Normale Supérieure de jeunes filles de Sèvres.
  • C'est aussi cette même année que l'on propose la préparation à l'agrégation secondaire des femmes, mais aussi, en complément des cours de la Sorbonne, aux agrégations d'anglais et d'allemand (qui étaient d'ores et déjà mixtes).

L'influence de Mathilde Salomon

Mathilde Salomon en prit la direction en 1883 afin d’œuvrer pour la promotion des jeunes filles dans une structure laïque. Originaire de Lorraine, militante, membre de la Ligue des Droits de l'Homme, engagée dans l'affaire Dreyfus, membre du Conseil supérieur de l'Instruction Publique, elle a, portée par les universitaires radicaux de la IIIe république, véritablement contribué à construire l'âme de Sévigné.

Un ouvrage consacré à cette figure majeure de l'enseignement sous la troisième République vient de paraître aux Presses universitaires de Rennes :

L'école des jeunes filles. Mathilde Salomon, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017
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Mathilde Salomon

Des figures de l'engagement

4 visages

L'engagement de Sévigné dans les valeurs de tolérance, de liberté et de laïcité ne s'est jamais démenti, y compris durant les années difficiles de la guerre. Pierre Brossolette, qui entre au Panthéon l'année même où nous écrivons ces lignes, a enseigné à partir de septembre 1941 dans les murs du Collège : il assurait les cours d'histoire en préparation à l'Agrégation et au concours de l'École Normale Supérieure. Agrégé d'Histoire, il avait en vain demandé sa réintégration après l'armistice. Sans ressources, contraint d'ouvrir une librairie-papeterie, il se partageait entre ses cours à Sévigné et sa librairie d'occasion. C'est au Collège Sévigné que Pierre Brossolette fut contacté par Louis François, qui appartenait au réseau Confrérie Notre-Dame et donnait lui aussi des cours d'agrégation au Collège. On cherchait un spécialiste de questions d'information et de lutte contre la propagande nazie. En 1942, les deux hommes s'engagent  dans les Forces Françaises Libres.
Sur le panneau d'affichage du Collège : "Mesdemoiselles, Monsieur Brossolette n'assurera pas son cours aujourd'hui" (source : Le livre du Centenaire).

Cet esprit et cet engagement ont été résumés par Jacqueline de Romilly, lors de son allocution pour le centenaire de Sévigné :

"Je sais qu'il n'est guère à la mode de parler de valeurs morales ; mais cela ne saurait me détourner d'en parler - au contraire !  Et les faits montrent qu'en l'occurrence il ne s'agit pas d'une notion en l'air. Ce n'est pas un hasard si Sévigné s'est toujours conduit avec éclat dans les grandes crises : en 14 (avec la guerre), en 18 (avec la filiale fondée à Strasbourg), en 40 (avec la Résistance). Ce n'est pas un hasard non plus si, même en temps de paix et dans la vie de tous les jours, les anciennes de Sévigné constituent comme une famille spirituelle, liée par un passé commun et des valeurs communes."

Travaillons à bien penser

L'histoire de Sévigné est marquée par un ancrage très net dans les humanités classiques tout en revendiquant sans concession sa modernité. De prestigieux enseignants ont contribué à forger sa réputation : Alain Merleau-Ponty, Georges Dumézil, Pierre Lévêque, Raymond Bloch, Jacqueline de Romilly, pour n'en citer que quelques-uns, ont fait cours dans ces murs. Les familles et les élèves liées au Collège ont elles aussi profondément contribué à forger la réputation de l'établissement: les filles de Marie Curie, Hélène Boucher, Thérèse Bertrand-Fontaine, première femme médecin des hôpitaux. Le sens de l'innovation et de la modernité ne venait pas seulement du fait qu'une éducation d'excellence était offerte aux jeunes filles, même s'il est indéniable que le Collège Sévigné fut très largement un terrain d’expérience pour les membres du Conseil Supérieur chargés de rédiger les textes réglementaires. La déclaration d’ouverture précéda ainsi de deux mois le vote de la loi Camille Sée, instituant l’enseignement secondaire laïque et public pour les jeunes filles.

Mais on recherchait également à expérimenter les pédagogies nouvelles, à explorer de nouveaux accès au savoir.

  • En 1909, on crée à Sévigné un jardin d'enfants
  • En 1910, on met en place des cours "froebéliens", on utilise le matériel pédagogique "Montessori"

Rien n'est trop ambitieux pour illustrer la devise (une citation de Pascal) qui est encore aujourd'hui celle du Collège Sévigné : "Travaillons à bien penser". Les méthodes pédagogiques nouvelles mises au point dans la section enfantine ont été largement répandues et ont favorisé l’ouverture d’établissements similaires. Ainsi, le cours de formation de jardinières d’enfants et de maîtresses pour les petites classes exista jusqu’à la disparition du diplôme ; elle contribua à former des générations d’enseignants des classes maternelles et élémentaires.

Le Collège aujourd'hui :
exigence, humanisme, ouverture sur le monde contemporain

Cet héritage est encore le nôtre

Devenu mixte en 1969, l’établissement accueille aujourd’hui des élèves de la maternelle aux classes terminales ainsi que des étudiants préparant les concours de l'enseignement, des métiers du cinéma, de l'Ecole du Louvre. Il comptait déjà 450 à 500 élèves et étudiants dans les années 1920. Il en compte actuellement près de 1400 qui se répartissent de la maternelle aux préparations de concours (300 environ au primaire, 600 dans le secondaire, près de 800 dans le supérieur en 2021).

Le Collège Sévigné, après presque 140 ans d'existence, continue de revendiquer un enseignement humaniste et exigeant : de la petite section de maternelle au CM2, Sévigné a conçu désormais un programme d'enseignement conforme aux attentes de l'éducation nationale mais enseigné à la fois en français et en anglais. Dans la continuité de l'école primaire, une filière bilingue et biculturelle français/anglais a été créée au collège. Elle se conclut au lycée par la préparation baccalauréat français international.

L'enseignement supérieur : de nouveaux outils numériques pour une meilleure transmission des savoirs

Classe sup

Dans le supérieur, le Collège prépare aux agrégations et aux Capes (externes et internes) de Lettres et d'Histoire-Géographie, mais aussi au test probatoire d'entrée à l'École du Louvre ainsi qu'aux grandes écoles de cinéma. Ouvert aux technologies de son époque, il ne cesse de s'adapter aux besoins nouveaux des étudiants. Il offre des formations hybrides (en présentiel et à distance) permettant à chacun de construire son parcours en fonction de ses besoins et de ses disponibilités. Notre bibliothèque numérique, nos cours en ligne (enregistrements aux formats audio ou vidéo) complètent notre offre en présentiel ainsi que nos cours intégralement rédigés, connus pour leur degré d'exigence et leur très haut niveau. Tout est mis en oeuvre, pour les inscrits en présentiel tout autant que pour ceux qui étudient à distance, pour favoriser la coopération, la mutualisation des données, la résolution en commun des problèmes, lorsque cela est possible : le forum, la bibliothèque sont là pour favoriser les échanges entre les inscrits et cet esprit de coopération que nous souhaitons développer dans la préparation des concours.

 

Sévigné et les Universités françaises et étrangères

Les liens de Sévigné avec l'Université demeurent vivants et féconds. Divers échanges enrichissent les relations du Collège avec la recherche française et les établissements publics du supérieur.
La bibliothèque de l'École Normale Supérieure vient de faire don à notre établissement d'une petite partie de son magnifique fonds; des journées d'étude ouvertes à tous, portant sur des auteurs et des sujets liés à l'agrégation, sont organisées en partenariat entre diverses universités et Sévigné; les enseignants des meilleurs établissements français continuent de dispenser leurs cours ici, dans l'esprit même qui avait présidé au moment de la fondation du Collège.

Bibliothèque